2022 – Semaine 12

Les conseillers favoris du Prince

 


Même si peu d’entre nous pensent encore que le président et ses ministres se retrouvent seuls, dans leurs grands bureaux, à réfléchir la tête entre les mains aux décisions qu’il convient de prendre pour l’avenir du pays et même si certains savent qu’ils sont aidés par des équipes composées de nombreux conseillers (45 pour l’Élysée), il n’est pas certain que beaucoup de Français sachent quel est le rôle et l’influence des cabinets de conseil, qui sont des structures privées, dans les affaires de l’État.
En effet, même si leurs premières interventions dans le domaine public remontent à 2007, les cabinets de conseil, qui sont pour la plupart anglo-saxons, ont bénéficié d’un accroissement de leurs interventions ces dernières années, et ils se sont vus par exemple confier près de 1.600 missions depuis 2017 par l’Élysée et le gouvernement. Un livre enquête intitulé « Les infiltrés », paru en février 2022, a d’ailleurs révélé que plusieurs cabinets de conseil (entre autres McKinsey, Accenture, Boston Consulting Group et Capgemini) avaient reçu des sommes astronomiques de la part du gouvernement et même si ceci n’a pas été confirmé par les « clients », les montants versés chaque année à ces cabinets dépasseraient largement le milliard d’euros, ce que l’on comprend bien quand on apprend que le salaire moyen d’’une journée de travail d’un consultant s’élèverait à 1.500 euros (TTC).
Que font ces cabinets de conseil pour être récompensés si généreusement ? Eh bien principalement des rapports sur divers sujets (campagne vaccinale, gestion de la crise sanitaire, éducation, réforme des APL, etc.) pour éclairer le décideur public dans la prise de décisions mais il semblerait que ces cabinets soient en fait intervenus sur la plupart des grandes réformes du dernier quinquennat, les consultants ayant été appelés à la rescousse lorsque le gouvernement était en difficulté sur un sujet.
Bien sûr cette attirance pour ces cabinets de conseil est le signe d'une certaine défiance du politique vis-à-vis de la fonction publique et repose sur la croyance que le résultat sera de meilleure qualité si la tâche est effectuée dans le privé mais je pense qu’il est utile de rappeler que les cabinets de conseil n'ont aucune légitimité démocratique et ceci même s’ils influencent beaucoup et souvent les prises de décisions de nos dirigeants.
Leur coût exorbitant pour l’État avait déjà été dénoncé il y a un mois suite à une commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil lorsque l’on apprit, il y a quelques jours, que le cabinet américain McKinsey, bien qu’assujetti à l’impôt sur les sociétés (IS) en France, n’a en fait pas acquitté cet impôt depuis au moins 10 ans bien que son chiffre d’affaires en France atteignait, en 2020, 329 millions d'euros. Or comme il se trouve que le cabinet McKinsey aurait, paraît-il, des liens étroits avec Emmanuel Macron et l’aurait même « accompagné » depuis la création d'En marche jusqu’à la vaccination contre le Covid-19, certains mauvais esprits ont réclamé des comptes à Macron, s’étonnant que celui-ci n’ait pas pensé à se renseigner depuis tout ce temps sur la régularité du comportement de ce cabinet.
Et, pour aggraver les choses, le directeur associé de McKinsey France a même déclaré sous serment il y a 2 mois que son entreprise payait bien l’impôt sur les sociétés.
Nous en sommes donc là et même si Gabriel Atal, porte-parole du gouvernement, a indiqué que les cabinets de conseil étaient bien pratiques car les compétences et les éclairages du privé permettaient d'améliorer l’organisation du gouvernement, il semblerait qu’un désengagement relatif sera peut-être expérimenté dans quelque temps grâce à la création en interne d’une forme de cabinets de conseil de l'État.
Mais pour l'instant, à moins que les Français décident un jour qu’il n’est plus supportable d’être gouverné, en pratique, par des cabinets de conseil privés, il est fort probable que l’État continuera à faire appel à eux et que les choses resteront… « en l’état ».