2022 – Semaine 21

Le mirage de la voiture à hydrogène

 


Bien sûr c’est un peu tiré par les cheveux car l’actualité est bien mince : l'ex-ministre des Transports qui souhaitait abandonner la politique pour rejoindre une société française de conception de voitures (de luxe) à hydrogène mais c’est l’occasion, précisément, de parler de la voiture à hydrogène. Cet ex-ministre, ancien pilote de ligne, considère à juste titre que l’hydrogène est une énergie « verte » mais puisque comme Confucius l’aurait certainement dit en pareil cas, « Tout ce qui est possible n’est pas forcément souhaitable », intéressons-nous à l’hydrogène quand il est utilisé pour faire rouler des voitures. Certes l’hydrogène possède des vertus incontestables puisque sa combustion ne dégage que de la vapeur d’eau, certes avec un plein les voitures à hydrogène peuvent parcourir 500 ou 600 kilomètres, voire plus, l’hydrogène étant stocké la plupart du temps sous forme gazeuse à haute pression. Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte : tout d’abord la fabrication énergivore des réservoirs et aussi des piles à combustible qui permettent de faire rouler les voitures en transformant l’hydrogène en électricité et qui nécessitent, entre autres, pour les piles classiques, l’utilisation d’un métal, le platine, plus cher que l’or. Ensuite le fait que l’hydrogène est un gaz dangereux qui peut provoquer de fortes déflagrations en cas de fuite ou lors d'un accident, même si on nous assure que des dispositifs quasiment indestructibles seront mis en place. Enfin le rendement d’une pile à combustible qui est très moyen car on perd en moyenne 50 % de la capacité énergétique contenue dans l'hydrogène entre la pile à combustible et le moteur électrique. Et tout ceci sans parler du processus global qui consiste dans un premier temps à produire de l’hydrogène si possible par électrolyse, production pour l’instant très coûteuse, puis de transformer l’hydrogène en courant électrique grâce à la pile à combustible.
Ceci pour dire que si l’on prend en compte ces éléments l’on devrait en conclure que l’hydrogène ne doit être utilisé que pour les cas où l’on ne peut pas « alimenter » autrement les véhicules d’une manière « propre », c’est-à-dire par exemple pour les trains dont les lignes ne bénéficient pas de caténaires, les avions, si l’on arrive à résoudre les problèmes de stockage de l’hydrogène liquide, ou les navires. Mais poussés par un enthousiasme sans borne les acteurs de l’hydrogène envisagent de l’utiliser pour les véhicules utilitaires, les poids lourds, les cars, les bus et bien sûr pour la voiture individuelle. Mais, puisque l’on peut déjà rouler en voiture électrique avec un rendement énergétique plus élevé, une autonomie de 500 kms et bientôt la possibilité de recharger très facilement, la solution de la voiture à hydrogène ne semble pas être vraiment nécessaire.
Il faut réaliser que nous nous trouvons actuellement dans un état de confusion assez sévère suite à l’obligation qui est la nôtre d’abandonner au plus vite les énergies fossiles pour lutter contre le réchauffement climatique et à la crise de l’énergie qu’a créée la guerre en Ukraine et dans ces conditions il ne sera peut-être pas possible d’empêcher l'arrivée des voitures à hydrogène sur le marché même si la régulation se fera peut-être d’elle-même et de manière « naturelle » suite par exemple à des explosions à répétition de véhicules de ce type lors d’accidents de la route.
De plus il est presque assuré que les voitures à hydrogène resteront des véhicules chers, ne serait-ce qu’à cause du coût de leur construction et du prix de l’hydrogène dont rien ne garantit qu’il finira par baisser suffisamment.
La France, à travers le plan « France 2030 » entend consacrer 1,9 milliard d’euros pour développer la filière hydrogène et devenir le leader de l’hydrogène vert mais même si cet hydrogène sera sans doute très utile dans de nombreux domaines comme celui de l’industrie, en particulier grâce à la possibilité que l’on aura de le stocker et de l’utiliser quand on en aura besoin, il ne sera pas nécessaire de s'en servir pour l’automobile, puisque nous aurons des véhicules électriques, et je persiste à penser que la voiture à hydrogène ne devrait pas pouvoir s'imposer.
Mais puisque seul le temps permettra de savoir si j’ai raison de le croire, je vous donne rendez-vous, pour en reparler, dans une cinquantaine d’années.