Avril 2023

Réforme des retraites, le grand stratagème

 

Tout ce qui suit ne se concrétisera bien sûr que si le Conseil constitutionnel estime que le contenu de la réforme et la façon dont elle a été débattue sont conformes à la Constitution.
En temps ordinaire un Président, même quand il n’a pas à être réélu, se soucie de sa cote de popularité ne serait-ce qu’en pensant à l’image que son passage au pouvoir va laisser dans l’histoire et bien sûr aussi en songeant à son parti pour les futures élections présidentielles et législatives. Mais il ne va pas en être de même pour Emmanuel Macron qui a décidé d’utiliser le 49.3 pour la réforme des retraites et de ne pas céder face aux inévitables protestations suivant ce coup de force. En effet il est prêt à voir sa notoriété s’effondrer (« S’il faut endosser l’impopularité aujourd’hui, je l’endosserai »), à être traité de dictateur, de tyran mais il ne cédera pas. Il a volontairement choisi de jouer ce rôle parce que ce faisant il pense réussir à annihiler toute opposition au recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Il croit que le mouvement social finira par s’essouffler et il sait que l’on ne peut rien faire contre un Président ayant renoncé à sa notoriété, en tous cas pas le forcer à quitter son poste, et que seule une vie quotidienne devenue insupportable pourrait le faire revenir sur sa décision, par exemple à cause d’une pénurie de carburant, c’est donc pourquoi le gouvernement met actuellement un zèle tout particulier à veiller à ce que les raffineries ne soient pas bloquées.
En suivant le scénario prévu Emmanuel Macron, pour imposer le recul de l’âge de départ à la retraite, a utilisé l’article 49.3, chose que l’on n’avait jamais faite de cette manière sur un sujet aussi sensible. Certains ont pensé qu’il avait perdu la raison, puisqu’il ne nous avait pas habitués à cela jusqu’à présent, en se servant de cet outil certes intégré à la Constitution mais utilisé cette fois-ci pour une réforme dont presque personne ne voulait. Et si une infime minorité pense qu’il a eu raison, de nombreuses personnes appartenant même à son camp estiment qu’il s’agit là d’un abus. La cote de popularité d’Emmanuel Macron va sans doute chuter mais ce n’est pas important car il s’y attend et personne ne pourra le forcer à retirer la réforme. Et, ne se représentant pas en 2027, peu lui importe d’être très critiqué.
Il reste bien sûr le problème de l’avenir de son parti et des chances de l’emporter à la prochaine présidentielle que doivent conserver ceux (ou celles) de son camp qui seront susceptibles de lui succéder. Le stratagème pour cela prévoit qu’il faudra que ses électeurs comprennent que même si le Président n’a plus vraiment un comportement « acceptable » il existe heureusement d’autres personnes plus raisonnables vers lesquelles ils devront désormais se tourner par exemple Édouard Philippe ou un autre favori de la majorité présidentielle qui, sans trop critiquer sévèrement l'attitude du Président et sans vouloir revenir à la retraite à 62 ans, n’approuveront pas forcément la manière brutale qu’il a utilisée pour cette réforme. Et si ses électeurs comprennent cela et si aucun autre modéré « extérieur » émerge le camp Macron pourrait conserver le pouvoir face à ses 2 adversaires extrêmes.
Pourquoi Emmanuel Macron agit-il ainsi ? Eh bien je crois que face à l’incompréhension des oppositions, dont une partie réclame même la retraite à 60 ans, il a pensé qu’utiliser ce stratagème permettrait de faire sauter ce verrou et ainsi imposer le report de l’âge de départ, pour l’instant à 64 ans puis peut-être même ensuite à un âge plus avancé puisque certains disent déjà que cette réforme sera insuffisante.
Il y aurait bien sûr eu la solution qui aurait consisté à retirer la réforme, à attendre que d’éventuels problèmes de financement se posent dans quelques années et que les mentalités évoluant face à la nécessité, un recul d’un an ou deux de l’âge de départ puisse être alors accepté mais Macron a préféré « sa méthode », la jugeant sans doute plus efficace et plus rapide. Ceci étant en agissant de la sorte Il prend malgré tout le risque que le stratagème ne fonctionne pas correctement et que par exemple cela favorise l’extrême droite en 2027.
En conclusion il s’agit là d’un exemple typique de « stratégie politique » comme seuls savent en concevoir les cabinets de conseil dont paraît-il Macron raffole et il est selon moi utile que ceux qui refusent la réforme comprennent qu’il s’agit d’un stratagème avec une situation particulière (un Président se moquant de sa notoriété) pour trouver d'autres manières d’agir que celles utilisées en temps ordinaire.